Pour une approche systémique, inclusive et démocratique de la transition écologique
Article 3/3 du tryptique “Au cœur des quartiers, les défis d’une transition juste”, rédigé par Frédérique Triballeau. Découvrir les articles 1/3 et 2/3.
Dépasser la technicité et remettre l’humain au cœur de la transition écologique
Lorsque la transition écologique est prise au sérieux dans les quartiers, elle peine malheureusement à passer d’un sujet technique, axé sur la transition énergétique, à une question sociale et humaine. Les bailleurs sociaux jouent un rôle clé dans la rénovation énergétique des logements, car ils ont la capacité de mobiliser des ressources pour des rénovations massives. Bien que ces initiatives soient louables, elles négligent souvent l’aspect essentiel du travail sur les usages et la sensibilisation des habitants. Pour autant, certains bailleurs sociaux, en renforçant la collaboration inter-bailleurs, comme à la Métropole Européenne de Lille, s’engagent à sensibiliser davantage, et de façon conjointe, sur la gestion des déchets non recyclables et des encombrants, tout en tenant compte des besoins spécifiques des habitants.
D’autres approches innovantes, telles que l’initiative “Quartiers Résilients”, offrent des solutions, mais elle ne couvre aujourd’hui que 50 quartiers prioritaires. Son déploiement à grande échelle est encore limité, soulignant ainsi la nécessité de mieux intégrer la transition écologique dans la Politique de la Ville. Par exemple, si la ville de Val-de-Reuil fait partie de ces 50 démonstrateurs, le sujet n’a pas vraiment été évoqué durant l’écriture du nouveau contrat de ville de l’Agglo Seine Eure.
Collaborer dès le diagnostic et combiner les enjeux
Il paraît également judicieux d’adopter une approche systémique dès la phase de diagnostic, en mêlant les enjeux. Par exemple, pour la thématique de l’emploi, des programmes de formation à la rénovation énergétique pourraient être développés, créant ainsi des boucles locales formation-emploi. Les plus jeunes pourraient acquérir des réflexes écologiques à travers des activités sportives, culturelles ou ludiques. La transition écologique implique également une transition alimentaire vers une alimentation de qualité, saine, locale et abordable, en soutenant des initiatives telles que les épiceries, les cantines ou les paniers solidaires. Selon la Ligue contre l’Obésité, 75 % des jeunes de 8 à 17 ans en surcharge pondérale proviennent des catégories défavorisées de la population. Enfin, la transition écologique concerne également le bien-vivre ensemble en encourageant la solidarité entre voisins et avec les aînés, notamment pendant les périodes de canicule ou de pandémie.
Et heureusement, certaines initiatives combinant différents enjeux prennent de l’ampleur. Par exemple, l’association VRAC encourage les groupes d’achat dans de nombreux quartiers en France, offrant ainsi un accès à des produits alimentaires de qualité issus de l’agriculture paysanne ou biologique à des prix abordables. De même, des initiatives telles que R3, initiée à Cenon, et désormais étendue à plusieurs villes de la région girondine, constituent le premier réseau d’économie circulaire de valorisation des encombrants. À un niveau plus local, des initiatives telles que celles menées par des jeunes en service civique à Lyon 8ème, en collaboration avec l’association “La Troupe”, illustrent également cette approche intégrée. Ces projets artistiques visent à créer une pépinière urbaine où les habitants peuvent cultiver et entretenir des arbres qu’ils ont choisis et adoptés, favorisant ainsi la participation des habitants et la connexion avec la nature en milieu urbain.
Vers une transition écologique juste et émancipatrice
La transition écologique doit être globale pour faire face aux défis du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la détérioration sociale. Si des mesures massives ne sont pas prises dans les quartiers, l’ensemble de la société en sera fragilisé. Le sujet a tendance à être pris par le « haut », alors qu’il s’agit d’un sujet à largement démocratiser. Cela implique de passer d’une vision moins technique de l’écologie dans les quartiers, à une vision qui émancipe les habitants et les rendent acteurs de leur territoire. Valoriser les pratiques locales existantes, souvent économiquement pertinentes, et sortir d’une vision institutionnelle de la participation habitante peuvent être les deux premières marches du chemin vers une transition écologique juste.
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Crédit photo : Frédérique Triballeau – Quartier des Acacias à Louviers, quartier prioritaire de l’Agglomération Seine-Eure, dont Julhiet Sterwen a accompagné l’élaboration du contrat Quartiers 2030