Vers la fin du management par objectifs ?
Les articles, les sites, les livres parlent beaucoup d’un nouveau mode de management qui émerge : moins hiérarchique, plus collaboratif, plus agile, moins directif. Mais pour être « nouveau » encore faut-il définir par rapport à quoi. La page qui se tourne en réalité est sans doute celle du management par objectifs. Omniprésent dans les formations management autour de la gestion de la performance, des entretiens annuels, des objectifs SMART, du cascading, le management par objectif a structuré l’activité des managers depuis près de 70 ans. Correspond-il pour autant au contexte des entreprises d’aujourd’hui ? N’est-ce finalement pas cette page qui est en train de se tourner ?
Management par objectifs et cascading
Le management par objectifs a été popularisé par Peter Drucker en 1954 dans The Practice of management. Avec l’élévation du niveau d’éducation et les limites du modèle fordiste de standardisation des tâches, les entreprises changent progressivement pour donner plus de latitude à leurs collaborateurs. P. Drucker propose ainsi de définir des objectifs à moyen terme qui laissent une forme de liberté dans la manière d’y parvenir. Il associe également à cette logique de fixation d’objectifs, celle du cascading dont le principe veut que les objectifs de chacun soient une déclinaison de la stratégie de l’entreprise. Ainsi, le directeur définit une stratégie, qu’il segmente pour ses directeurs de départements, qui font de même pour leurs cadres et ainsi de suite. Derrière les objectifs et de le cascading, se dessine une ambition forte sur le rôle de chacun dans l’organisation : même en bas de l’échelle, chacun doit pouvoir retracer sa contribution à l’objectif collectif.
Un changement de tempo
L’approche est mise à mal avec l’accélération des projets, des transformations, les changements de stratégie. En effet, la logique du management par objectif est séquentielle et lourde. Elle suppose, dans de grandes organisations, une déclinaison par strates peu réaliste et la pratique a voulu un fonctionnement des objectifs lié à des entretiens annuels. Le résultat est sans appel : les objectifs deviennent obsolètes en cours d’année, ils se déconnectent de la stratégie. Dans un monde où l’immense majorité des entreprises envisage une transformation majeure dans les trois prochaines années, le management par objectif fait un peu penser au cycle en V de l’informatique : il ne sait plus répondre à la vitesse de changement des organisations.
Et après ?
Faut-il s’affranchir du management par objectifs ? Si cela suppose une logique annuelle, cascadée, il est condamné. En revanche, l’espace qu’il laisse est occupé par une partition autrement plus exigeante : avoir des objectifs plus agiles, connectés directement à la stratégie sans attendre de déclinaison, proposés par le collaborateur, animés et motivants. C’est un niveau de maturité managérial qui représente, pour la majeure partie des organisation, un saut considérable.
Publié initialement dans Les Echos