Digitalisation des crédits, ou le nouveau défi de l’expérience client
Le secteur bancaire se transforme depuis quelques années maintenant. Avec les innovations digitales, cette transformation s’accélère, crée de la concurrence là où ne l’attendait pas, avec de nouveaux acteurs surprenants, comme Orange, Google… C’est la course à celui qui rendra le parcours client le plus fluide, le plus simple, sans pour autant « dépersonnaliser » la relation. De plus en plus de produits bancaires sont disponibles à la souscription en ligne, et nous allons de plus en plus vers une digitalisation des crédits, notamment le crédit immobilier, sur lequel nous vous proposons un focus.
Saviez-vous que 80% des français utilisent internet pour leur recherche de logement, que 48% sont prêt à souscrire à un crédit en ligne, que 41% affirment pouvoir se passer d’un contact physique dans leur projet immobilier ?
Quels défis pour les banques autour de la digitalisation des crédits ?
L’idée est de positionner le client au centre, ce qui impose aux banques de développer 3 axes :
Une expérience client fluide
Le 1er grand défi est de réussir à digitaliser complètement le parcours client et notamment la partie assurance. Il s’agit de répondre à la promesse de digitalisation et de concevoir un processus sans rupture. Par exemple, les banques devront trouver un partenaire assureur capable de proposer, lui aussi, un parcours client digital (formulaire de santé en ligne, transmission de documents à distance, souscription dématérialisée, prise de RDV médecin partenaire intégrée, etc.).
Une expérience client exemplaire
La souscription d’un crédit immobilier est liée à un projet de vie. Il s’agit d’un moment clé pour le client. Le crédit immobilier revêt un caractère affectif et émotionnel. Il est primordial, pour une digitalisation réussie, de parvenir à construire une relation avec le client, en s’assurant que les contacts humains, moins nombreux, soient encore plus qualitatifs que dans un cadre classique.
Le client n’étant pas un expert du crédit, il est important de lui procurer un accompagnement à échelle « humaine ». Le positionner au centre nécessite de concentrer ses efforts sur la qualité du service client afin que celui-ci puisse bénéficier de la même expérience à chaque contact avec sa banque indépendamment du conseiller en ligne. La banque doit se concentrer sur le relationnel et non sur le transactionnel. Cet aspect est souligné par le fait que de plus en plus de clients sont prêts à payer plus cher leur crédit immobilier (taux, frais de dossier, coût de la garantie et de l’assurance, …) si la qualité de service rendue est jugée élevée. L’expérience n’est pas moindre, elle est autre, elle s’est même améliorée..
Une expérience client agile
Cela implique nécessairement des modifications d’organisation. Les besoins du client changent très vite, les attentes sont rapidement obsolètes, les banques doivent être capable de (ré)agir rapidement. Elles doivent s’organiser en conséquence, de plus en plus adoptent le travail en DevOps (il s’agit de rapprocher physiquement les équipes de développement et opérationnelles, pour faciliter la collaboration et permet de mettre plus rapidement en production certains développement – fin du cycle en V, méthodes agiles). On pourrait imaginer que la prochaine étape soit le BusDevops qui raccroche la partie produit (Business) à ces équipes déjà mixtes. Ce qui implique également une organisation en value chain regroupant tous les départements clés dans un même espace. En quelques sortes on crée de petites entreprises au sein de l’entreprise.
L’engagement du client dans le développement de l’offre bancaire est également un élément clé. Saviez-vous que la majorité des décisions chez ING sont issues de retours clients – récoltés de différents canaux (réclamations, enquêtes de satisfaction, digital (Webcafé),…) ? Les clients sont également impliqués dans des tests – AB Testing – lors de la modification du formulaire en ligne 50% de la clientèle ont accès à un formulaire A et 50% ont accès à un formulaire B. Les équipes observent ensuite les comportements clients sur chaque formulaire et avec quelles versions le taux de conversion est le plus élevés.
Existe-t-il encore un frein réglementaire à la digitalisation des crédits ?
En France, la réglementation était particulièrement contraignante par rapport à la mise en place d’un parcours entièrement digital. La loi Scrivener 2, dont l’objectif principal est de lutter contre le surendettement des personnes physiques, impose un délai de réflexion minimum de 10 jours à compter de la réception de l’offre de prêt, le cachet de la poste faisant foi.
Le délai Scrivener est toujours en vigueur, ce qui n’est plus le cas du cachet de la poste. La contrainte opérationnelle n’étant plus, cela ouvre donc la capacité aux utilisateurs de signer en numérique.
Cependant, force est de constater que cette loi est toujours bien ancrée dans les mentalités… aussi une majeure partie de la clientèle est plus confortable à l’idée de signer une offre de prêt papier, au vu de la hauteur de l’engagement. Choisir alors une stratégie 100% digitale revient à perdre une part de marché par manque de maturité de ce dernier. La digitalisation des crédits avance, mais n’est pas prête à envahir totalement le marché.
En conclusion…
L’enjeu de la digitalisation des crédits est d’être capable de relever le défi, quasiment contradictoire, d’un parcours client standard tout en personnalisant l’expérience client. Il s’agit également de proposer une offre produit claire et simple et de réussir à mettre le curseur de l’accompagnement au bon endroit et au bon moment.
La réglementation a pu freiner la digitalisation mais des portes s’ouvrent permettant d’accélérer cette transformation. La réglementation n’est donc plein un frein. Il s’agit plus d’une question d’évolution des mentalités…
Publié initialement dans Point Banque.